D’une poignée d’enfants aux très grands groupes, des très petites écoles qui viennent de se créer à celles qui sont victimes de leur succès, on observe toutes les configurations dans les ambiances Montessori. Quel est l’effectif idéal d’une Maison des enfants ? Combien d’adultes doivent être présents pour combien d’enfants ? En nous replongeant dans les fondements de l’approche Montessori, essayons de dégager quelques éléments de réponse.
Combien d’enfants dans une ambiance Montessori ?
Maria Montessori explique qu’un groupe important d’enfants – comprendre plus de trente – est nécessaire pour créer une dynamique sociale et d’apprentissage intéressante. Idéalement et selon les recommandations de l’Association Montessori Internationale, une ambiance Montessori 3-6 ans accueille en début d’année une dizaine d’enfants de 3 ans, une dizaine d’enfants de 4 ans et une dizaine d’enfants de 5 ans.
Sur le plan social, un large groupe met en scène des personnalités suffisamment diverses pour initier l’enfant à un large spectre de situations et de relations avec les autres enfants.
“Quand la classe est nombreuse, les différences de caractère se révèlent mieux, et les expériences sont plus faciles. Elles viennent à manquer quand les enfants sont peu nombreux. Or, le plus grand perfectionnement d’une classe survient grâce aux expériences sociales.” – Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant, Desclée de Brouwer, 2014, p.182.
Au niveau des apprentissages, la pédagogue observe qu’un tel groupe permet qu’un nombre suffisant d’activités et de matériel soient manipulés par les enfants plus âgé·es créant l’émulation des plus jeunes.
Trente enfants ou plus, cet effectif vous effraye ? Je vous entends penser “gestion de groupe”, “discipline” …
À son époque, Maria Montessori faisait remarquer :
“Dans nos classes, où nous comptons jusqu’à quarante – et même cinquante – petits enfants, on obtient une discipline plus parfaite que dans les écoles ordinaires.” – Maria Montessori, Pédagogie scientifique, Tome 1, Desclée de Brouwer, 2010, p. 237.
L’équipe pédagogique d’AIRAM Montessori a également eu l’opportunité, au XXIème siècle (!), de faire l’expérience de larges groupes dans différents contextes. Des groupes de plus de trente enfants, parfois 35. Il en ressort que la discipline n’était pas, dans la majorité des cas, un sujet, en tout cas, pas après quelques semaines d’installation et de normalisation de l’ambiance. Ces groupes bénéficiaient de l’accompagnement de deux adultes ou parfois trois.
Combien d’adultes dans une ambiance Montessori ?
En France, il est fréquent de voir deux adultes accompagner un groupe de seulement une vingtaine d’enfants dans une école Montessori. Souvent trois adultes pour des environnements bilingues.
Dans un contexte avec un·e seul·e adulte pour une vingtaine d’enfants ou deux adultes pour une trentaine d’enfants, certain·es éducateur·rices Montessori expriment leur détresse et dénoncent cette situation comme étant anormale.
En théorie, ce contexte serait pourtant favorable aux apprentissages des enfants.
Car une présence adulte trop importante conduit naturellement à une dépendance trop importante des enfants vis-à-vis d’eux et d’elles. Dans un tel contexte, les adultes dépassent ce qui devrait se limiter strictement à de “l’aide utile” et les enfants n’échappent pas un instant au regard des adultes.
Au contraire, un faible ratio entre nombre d’adultes et nombre d’enfants permet que “les enfants se libèrent de l’adulte, développent leur autonomie, se consacrent à des activités qui ont réellement du sens pour eux et ils et elles apprennent à demander de l’aide à d’autres enfants.” – extrait de cours AIRAM Montessori.
“Il est essentiel pour l’enseignante de guider l’enfant sans que ce dernier ressente une présence trop importante de l’adulte, d’une manière qui fasse que l’enseignante soit toujours prête à fournir l’aide sollicitée, mais qu’elle ne constitue jamais l’obstacle entre l’enfant et son expérience.” – Traduction de Maria Montessori, Dr Montessori Own Handbook, Schocken Books, 1965, P. 131
En pratique, certains aspects sont à prendre en considération : le degré de normalisation des enfants, le respect du mélange des âges, la question de l’accompagnement des enfants à besoins particuliers.
Pour terminer, en présence de soucis de gestion de classe et de discipline, il est important, avant de rendre responsable l’effectif, de questionner d’autres éléments tels que l’environnement matériel et humain en premier lieu. Revenir ainsi aux fondements de l’approche Montessori. Est-ce que dans mon environnement sont réunies les conditions sine qua non préconisées par Maria Montessori ? Par exemple, ai-je ajouté du matériel non Montessori créant un environnement hybride* ? Ma posture, mes attentes sont-elles adaptées ?…
Jeanne, de l’équipe d’AIRAM Montessori.
* Extrait de l’interview d’Angeline Stoll Lillard par Céline Guerreiro du 21 janvier 2022 au sujet des “environnements Montessori enrichis”
“Une chose que j’ai remarquée, c’est que, parfois, vous avez ces salles de classe, tout simplement magnifiques où (…) j’ai observé ce véritable amour et cette préoccupation des enfants les uns pour les autres. (…), un travail long et complexe en cours, des conversations impressionnantes dans lesquelles les enfants font preuve d’un raisonnement moral très élaboré. Je me tenais là, à espionner toutes ces conversations. Et l’enseignant pouvait être ailleurs en train d’observer ou faire autre chose. J’ai vu ces classes incroyablement belles, qui ressemblaient vraiment à ce que j’avais lu et à ce que décrivent les livres de Montessori que j’ai étudiés. (…)
Et il y avait les autres classes, où tout allait de travers, où les enfants ne semblaient pas travailler du tout. Elles étaient en désordre. Les enfants détournaient le matériel pour jouer. Ils maltraitaient le matériel. On n’avait aucunement l’impression qu’ils apprenaient quoi que ce soit ni que leur développement suivait son cours. Ils semblaient parfois beaucoup s’amuser, mais l’impression générale qui s’en dégageait était vraiment différente. Et ça ne ressemblait pas à ce que Montessori décrit dans ses livres.
Je me suis donc demandé si les résultats de ces classes étaient différents. J’avais besoin d’un moyen objectif d’identifier ce qui était différent dans ces classes. Une différence est ressortie : il m’a semblé que les salles de classe qui fonctionnaient mieux n’étaient dotées que de matériel Montessori, ou pas grand-chose d’autre. J’ai donc utilisé cette différence comme mesure. Cela ne signifie pas que c’est tout ce qui importe dans une classe. Mais il s’agissait d’un critère facile à mettre en place. (…) On parle de « Montessori enrichi ».
Retrouvez l’intégralité de la traduction de l’interview ici.