En décembre, nous ouvrions le thème de la reconversion dans l’éducation (en particulier dans l’éducation Montessori) avec l’intention de compléter ce premier article par le récit d’expériences vécues. Les trois témoignages que nous avons choisis de partager avec vous sont si riches et édifiants, que nous avons finalement décidé de leur consacrer à chacun un envoi. Pour ouvrir cette série, voici le témoignage de Frédérique, reconvertie dans le métier de professeure des écoles. Découvrez son histoire.
Jeune adulte, Frédérique se rêvait ergothérapeute. « Le côté humain m’intéressait, et le fait de rendre aux gens leur autonomie. Quand on pense à ce que je fais aujourd’hui, c’est drôle. » Pour différentes raisons, Frédérique ne suit finalement pas cette voie et s’engage dans un BTS action commerciale. Elle débute sa carrière de commerciale chez Yoplait à la fin des années 1980 à Marseille. Ses collègues sont sympathiques, elle s’y plaît. Elle déménage en région parisienne. De représentante auprès des grandes surfaces, elle passe au service d’animation des ventes. La jeune commerciale est choyée par son entreprise. Ses supérieur·es sont bienveillant·es.
Avec l’arrivée de son premier enfant, Frédérique a un déclic : « instit’, j’y avais déjà pensé », cette fois-ci, elle se lance, elle reprend des études. Une collègue a les mêmes aspirations qu’elle, elles bénéficient de la reconnaissance de leur cursus antérieur et suivent toutes les deux directement la dernière année d’une licence en sciences de l’éducation. Un second enfant rejoint la famille de Frédérique. Elle passe ensuite le concours de recrutement des professeur·es des écoles. Jeune trentenaire, elle intègre l’IUFM (institut universitaire de la formation des maîtres) dans une classe de “reconverti·es”, en moyenne plus âgé·es que les autres groupes d’apprenti·es professeur·es des écoles. Si Frédérique s’est passionnée pour les matières enseignées en licence de sciences de l’éducation à Paris, la formation dispensée à l’IUFM de Créteil la déçoit profondément. Lors de ses premières expériences en classe, elle se sent « jetée dans le bain » et « mal préparée ».
A cette époque, Frédérique a l’occasion de visiter une école Montessori parisienne. Elle observe une classe composée d’une quinzaine d’enfants de trois à six ans. Les familles sont d’un milieu favorisé et les parents sont très engagés dans la scolarité de leur enfant. Cette approche n’apparaît pas à Frédérique comme transposable dans le public. Elle n’en comprend pas exactement le fonctionnement et y voit une sorte de rigidité.
La jeune professeure des écoles exerce quelques mois de manière traditionnelle dans une école publique avant d’accueillir son troisième enfant. Frédérique porte un regard affecté sur cette période de sa vie. A cette époque, les moyens de communication étaient plus limités, le partage de ressources entre enseignant·es ne pouvait se faire comme aujourd’hui : « Tout à faire, tout à inventer ! Tu as l’impression d’être la seule à avoir du mal alors que je sais aujourd’hui que c’était loin d’être le cas ! Aujourd’hui, je ne sais pas si je le referais. » A présent jeune grand-mère, Frédérique dit « avoir l’impression d’avoir gâché les années où [ses] enfants étaient jeunes. »
Frédérique enseigne par la suite dans une école maternelle placée en REP (réseau d’éducation prioritaire). Elle retrouve le sourire et se sent plus alignée en adoptant une pédagogie qui se base largement sur les manipulations (bâtonnets, marrons, …) . « J’ai toujours aimé aller chercher, essayer, fabriquer … En maternelle, tu es toujours dans l’interrogation, tu cherches. »
Mais Frédérique subit toujours les contraintes et la lourdeur de l’Éducation nationale. Elle songe un moment rejoindre le secteur privé mais réalise qu’elle y trouvera sans doute les mêmes problématiques. Elle pense même à se convertir à nouveau à un autre métier.
Depuis plusieurs années, l’enseignante se questionne, elle est en quête de sens. En 2014, elle se fixe comme objectif de « travailler dans la joie ». Le contexte violent de l’année 2015 alimente sa réflexion sur l’exclusion, le sentiment de non appartenance, le mal-être des jeunes. Se sentant pleinement investie d’une responsabilité envers la société, Frédérique cherche une autre manière de faire … Sans encore bien connaître la pédagogie Montessori, elle s’interroge devant ses collègues : « Montessori à 30 élèves, en REP, il faut qu’on m’explique comment faire ! » Début 2016, Frédérique a un nouveau déclic en voyant le film Demain de Cyril Dion. Elle intensifie ses recherches, « fouille », comme elle dit. Elle s’intéresse à la CNV (communication non violente) et approfondit la pédagogie Montessori.
Quelques années plus tard, avec sa collègue et directrice de l’école, elles ont complètement embrassé la pédagogie Montessori. Frédérique est aujourd’hui dans sa septième année de fonctionnement Montessori, toujours dans la même école maternelle en REP. « Avec Montessori, je me sens au bon endroit, c’est reparti, enfin non, c’est parti tout court ! Les enfants sont heureux de venir à l’école. Ils y trouvent tous leur compte, quel que soit leur rythme d’apprentissage. Avant, je doutais des effets de ma pédagogie. J’avais l’impression de refaire le monde, comme mes collègues, sans bénéficier de l’expérience des prédécesseurs. Maintenant, j’identifie et je constate la progression en m’appuyant sur le matériel. C’est confort ! Je me sens bien dans mon boulot. Je ne suis pas toute jeune mais je ne suis pas pressée de m’arrêter ! »
Entretien réalisé par Jeanne le 3 novembre 2022.
Tous nos remerciements à Frédérique pour sa confiance et son témoignage.
Informations utiles :
La formation “La pédagogie Montessori adaptée à la réalité des professeur·es des écoles” (AIRAM Montessori – Institut Supérieur Maria Montessori) : https://www.formationairammontessori.com/produit/montessori-professeur-des-ecoles
L’association qui promeut la pédagogie Montessori dans l’Éducation nationale :
Association Public Montessori : https://www.public-montessori.fr
À bientôt,
L’équipe AIRAM Montessori.