A la demande de plusieurs de nos stagiaires, nous avons réfléchi à quoi pouvait ressembler une journée type dans une Maison des enfants du point de vue de l’éducateur ou de l’éducatrice Montessori 3 – 6 ans. Parce que nous pensons que ce voyage en ambiance Montessori est susceptible d’intéresser toute personne attirée par cette pédagogie et/ou qui se questionne sur la réalité du métier, nous y consacrons un article.
C’est parti, on vous embarque pour une journée au côté de cette éducatrice faite d’un peu de Nina, de Lucie et de Jeanne, respectivement formatrices et rédactrice pour AIRAM !
Il est 8h05 quand j’entre dans ma classe. Parce que c’est l’hiver et que le soleil mettra encore plusieurs heures à atteindre nos larges fenêtres, j’allume les lumières. Mon regard balaye l’environnement préparé, ses étagères, ses tapis roulés, ses quelques plantes vertes. L’odeur familière de mon ambiance m’envahit.
J’entreprends mon tour habituel :
Je dépose la corbeille pleine de petits essuie-mains propres à l’endroit habituel où les enfants, qui arriveront bientôt, pourront se charger de les rouler et les disposer près du lavabo. Je vérifie que du savon est à disposition. Je remplis mon dispenseur d’eau.
Je mouille les éponges des étagères de vie pratique qui se sont asséchées et durcies pendant la nuit. Le chant délicat des rouge gorges m’accompagnent. Je taille les craies des ardoises de l’étagère de langage et je vérifie que les brosses sont propres. Je replace et j’aligne sur les étagères les pièces de matériel qui ne sont pas en ordre. Je vérifie l’intérieur des boîtes des triangles constructeurs, des jetons, des cylindres de couleurs... Ma collègue arrive. Nous échangeons les dernières nouvelles pendant que j’ajuste les couvercles de quelques autres boîtes : binôme, trinôme, boîte des couleurs… Je perfectionne l’alignement des escaliers marrons, de la tour rose, des barres rouges…
8h20, un coup d’œil sur mon cahier de suivi. En associant ma collègue qui a, à ce stade, une vue d’ensemble du suivi des enfants, je réfléchis : quelles présentations vais-je probablement proposer aujourd’hui et à quel·les enfants ?
Il est 8h30, un premier enfant pointe le bout de son nez, suivi de son papa. L’arrivée des enfants s’étalera jusque 08h45. Aujourd’hui, c’est à mon tour de gérer l’accueil (nous nous relayons un jour sur deux avec ma collègue). Je salue enfant et accompagnateur·rice. Lorsque je m’adresse aux enfants, je me place à leur hauteur. J’échange brièvement avec les parents. J’apprécie ces petits moments de transmission.
Les enfants sont invité·es à rejoindre l’assistante dans la classe. Elles les accueillent également en se positionnant à leur hauteur et en leur demandant chacun·e à leur tour : « Bonjour, comment vas-tu ? » et en ajoutant une question ou un mot personnalisé. Ils et elles échangent quelques nouvelles. Dans la partie vestiaire, les enfants retirent leurs chaussures et leur manteau. Ils·elles rangent leur sac et mettent leurs chaussons. Un enfant de quatre ans assiste un enfant d’à peine trois ans qui a récemment rejoint notre ambiance. L’assistante va et vient entre le vestiaire et la salle où les enfants se mettent petit à petit au travail sur du matériel pour lequel il·elles ont déjà reçu une présentation. Certain·es enfants prennent beaucoup de temps pour placer leur manteau sur le cintre. En passant, l’assistante les observe avec bienveillance, sans les presser, et répond à leur sollicitation muette par un sourire encourageant. Quand une enfant verbalise sa demande, elle lui propose d’adresser sa requête à un camarade qui accepte de l’aider.
À 8h45, je referme la porte derrière les dernier·ères enfants arrivé·es. Je prends un instant pour transmettre à mon assistante deux informations urgentes : un enfant quittera exceptionnellement l’école à la mi-journée, et une enfant a passé une très mauvaise nuit. Avant d’entamer les présentations, je prends également un petit temps pour observer. Je prends des notes.
Mes observations de ce matin : Les enfants Azur, Bleue, Cyan, Dorian, Émeraude, Fuchsia, Grise, Héliotrope, Indigo, Jaune sont déjà concentré·es dans un travail (je précise lequel sur mon cahier de suivi). Kaki, Lilas, Mauve errent dans l’ambiance en se dispersant un peu. Nacarat, Ocre, Pistache sont manifestement encore en train de se réveiller en tâtonnant sur plusieurs activités. Quartz, Rose, Smalt observent d’autres enfants manipuler, les mains dans le dos.
À 9h08, j’ai terminé ma première présentation de la journée et j’ai complété mon cahier de suivi. Je sens que certain·es des enfants qui sont encore en train de chercher un travail sont sur le point de déranger ceux et celles qui sont déjà concentré·es sur leurs activités. Je prends contact avec eux·elles individuellement pour les guider vers un choix d’activité. Puis, je m’installe avec une enfant pour une présentation.
Il est 9h30. Je vois un enfant travailler avec les formes géométriques. Cela fait plusieurs semaines qu’il travaille avec ces formes. Il est temps de lui donner plus de précisions sur leurs noms. Je m’assois près de lui, en veillant à ne pas être intrusive, sans déranger sa concentration. Au moment le plus opportun, je lui propose de lui présenter de nouvelles notions de vocabulaire. Je procède à une leçon en trois temps.
Il est 9h45. Deux enfants se sont assis pour goûter. Je vois une enfant à qui j’avais pensé donner une présentation qui vient de se rendre disponible. Après ma présentation, je l’observe manipuler et prends des notes dans mon cahier de suivi.
Il est 10h03. Il est temps de prendre quelques minutes pour moi : je passe aux toilettes. Puis, munie de mon thermos et de mon cahier, je m’assois sur le tabouret haut afin d’observer. Les enfants savent qu’il·elles ne doivent pas me déranger lorsque je m’installe ainsi. S’ils·elles ont une demande, ils·elles vont poser une main sur l’épaule ou la jambe de l’assistante.
Il est 10h35. Je réalise que le niveau sonore et l’agitation vont croissants depuis un petit moment. L’heure de la fausse fatigue peut-être ? Mon assistante et moi-même prenons le temps de calmement rediriger les enfants qui en ont besoin. Le soleil a gagné le petit jardin clos sur lequel s’ouvrent nos baies vitrées. Parce que notre contexte le permet, certain·es enfants (trois maximum) choisissent de réaliser une activité dehors.
Il est 10h44. Mon assistante me sollicite du regard. Je comprends qu’elle me demande de gérer l’ambiance un moment. En effet, rebondissant sur une situation, elle souhaite proposer à une poignée d’enfants un rappel d’une leçon de grâce et courtoisie que nous avons mimée toutes deux la semaine passée. Au bout de quelques minutes, le groupe s’étoffe de deux enfants de plus.
Il est 11h00. J’observe qu’un enfant qui a besoin d’une présentation déambule dans la classe sans but apparent. Je m’assure que mon assistante est à nouveau disponible pour gérer le groupe. Je m’approche de l’enfant et lui offre, enthousiaste, de lui présenter le planisphère. Notre intérêt et notre concentration intenses attirent l’attention de quelques enfants. Ils se rassemblent autour de nous et nous observent. Un frisson de joie me parcourt : n’est-ce pas merveilleux ? le jour où ce sera leur tour de recevoir cette leçon, il·elles l’auront déjà assimilée en partie grâce à l’observation.
Il est 11h21, notre période de travail du matin s’achève. J’ai juste le temps de proposer une leçon en trois temps et il est temps de ranger.
Il est 11h30. Il y a cinq minutes, l’assistante a signalé à l’enfant dont le métier de la semaine est gardienne du temps qu’il était bientôt temps d’actionner la boîte à musique. L’enfant a ainsi eu le temps de ranger son activité au préalable. Elle commence par ouvrir la porte et jouer la musique pour les enfants qui se trouvent à l’extérieur afin qu’ils·elles aient le temps de se déchausser. Elle déambule ensuite dans l’ambiance en faisant jouer sa douce musique. Certain·es enfants lèvent la tête et rangent leur matériel, d’autres restent absorbé·es, nous ne les dérangeons pas. Aujourd’hui, mon assistante est en charge de l’animation du regroupement. Elle s’assied au bord de la ligne. Quelques enfants s’asseyent avec elle. Ils·elles entament un chant. J’accompagne les enfants pour le rangement. Je gère l’ambiance. Je prends quelques notes sur mon cahier de suivi.
Il est 11h34. Les enfants finissent de se regrouper autour de la ligne mis·es à part deux enfants encore concentré·es dans leur travail. Le groupe chante encore deux comptines puis sont identifié·es les enfants qui se sont proposé·es comme leaders de table en début de semaine. Ils·elles vont se laver les mains et mettre le couvert, revêtant une toque. L’assistante invite, d’autre part, les enfants qui ont terminé leur journée à aller se préparer à partir, y compris l’enfant pour qui ce départ anticipé est inhabituel. Je suis, pour ma part, occupée à transvaser les plats déposés par le traiteur dans des plats en porcelaine pour chaque table. Un enfant a souhaité spontanément m’accompagner dans cette tâche et il en profite pour me parler de lui. Je confie les plats contenant l’entrée aux leaders de table afin qu’ils·elles les placent sur leur table.
Il est 11h49. Je me positionne proche du lavabo pour le lavage des mains. L’assistante propose le jeu des catégories aux enfants resté·es autour de la ligne. Ainsi, elle demande aux enfants portant du jaune de se lever. Je remarque qu’elle a fait ce choix car, parmi les deux enfants portant du jaune, une jeune enfant a besoin d’un long moment pour se préparer à manger. Elle enchaîne en demandant aux enfants ayant les cheveux frisés de se lever. Un petit débat sur les termes frisés et bouclés s’engage. Puis elle appelle les enfants portant un gilet. Etc. Les enfants se rendent ainsi au lavabo par petit groupe et la fluidité de la transition est assurée.
A midi, après m’être moi-même lavé les mains, je sollicite les leaders de table en posant ma main sur leur épaule afin qu’ils·elles demandent le silence à leur table. Pour se faire, ils·elles lèvent un bras. Je m’assieds et nous entonnons notre chant du repas. Nous nous souhaitons bon appétit. Nous commençons à manger.
Pendant ce temps, l’assistante accompagne les enfants qui s’en vont vers la sortie et les confie à leurs parents ou accompagnateur·rices, puis nous rejoint.
Il est 12h30. Nous rangeons et nettoyons l’ambiance. Trois enfants volontaires font la vaisselle. Un enfant porte le compost dans le composteur. Nous nous préparons à sortir.
Il est 12h57. Aujourd’hui, comme tout le monde est prêt en même temps, nous sortons tous·tes ensembles. Dehors, je sirote mon café. Mon assistante, son thé. Nous profitons de ce moment pour échanger.
Vers 13h20, quelques enfants tournent autour de nous, l’assistante leur propose de rentrer installer les matelas pour la sieste.
A 13h30, je rentre avec le reste du groupe.
Il est 13h38. L’assistante accueille les enfants qui ont besoin de se reposer et les invite à passer aux toilettes. Mes chaussons au pied, je m’installe auprès de la ligne. Trois enfants déjà prêt·es s’asseyent avec moi. J’attends une minute ou deux puis je propose un exercice déjà connu : marcher sur la ligne en plaçant talon contre doigts de pied. Lorsque tou·tes les enfants qui le souhaitaient ont fait l’exercice et que tout le monde est là, chaussons au pied, je propose la présentation d’un nouvel exercice : marcher sur la ligne en portant la clochette sans la faire tinter.
Il est 13h52. Alors qu’une enfant achève son tour, je récupère la clochette et lui propose d’aller choisir une activité. Je procède de même pour les suivant·es.
De 14h00 à 16h10, je procède à plusieurs présentations dont une de science avec un petit groupe ; je procède à de nombreuses leçons en trois temps ; je prends le temps d’écouter Fuchsia qui me raconte en détails la préparation de son spectacle de cirque ; et je m’accorde une période de vingt minutes d’observation alors que les enfants dorment tous dans le coin sieste et que mon assistante peut intervenir en cas de besoin auprès des enfants en activité.
A 15h43, alors que plusieurs enfants se sont réveillé·es de la sieste et qu’une certaine lassitude s’est emparée d’autres enfants, l’assistante a proposé une lecture pour ceux et celles qui le souhaitent.
Il est 16h10, l’enfant gardienne du temps actionne la boîte à musique pour signaler la fin de la période de travail et de la journée à l’école. Les enfants, l’assistante et moi-même rangeons et nettoyons l’ambiance.
A partir de 16h16, j’invite quelques enfants à mettre leurs chaussures. Je me poste avec eux pour attendre les parents. Nous entonnons des comptines. Les enfants rejoignent tous et toutes le vestiaire, petit à petit.
Il est 16h29. Mon assistante nous a rejoints avec les dernier·ères enfants. Elle ouvre la porte. Elle salue les parents et accompagnateur·rices. Nous saluons les enfants alors qu’ils·elles quittent l’école.
Il est 16h38. Alors que l’assistante attend avec un enfant dont le parent est en retard, je retourne dans la classe. Je nettoie ce qui a besoin d’être nettoyé, je range ce qui a besoin d’être rangé. Je relis mes notes de la journée dans mon cahier de suivi.
A 17h00, ma journée à l’école s’achève.
Note
Cette journée n’a jamais existé telle quelle. Les rédactrices ont fait le choix de montrer divers éléments qui donnent à voir une journée somme toute assez banale dans une Maison des enfants. Si elle peut représenter un exemple de journée, elle n’est pas une recette. L’organisation de la journée, le choix de faire des regroupements (même si leur durée doit être très limitée dans tous les cas), leur thème, la répartition des responsabilités et des tâches entre adultes (un·e assistant·e et un·e éducateur·rice, deux éducateur·rices,…) peuvent fortement varier en fonction de la configuration des lieux, de la taille du groupe, du nombre d’adultes, des personnalités de chacun et chacune.
À bientôt,
L’équipe AIRAM Montessori.
Tous les épisodes de Team Montessori, le podcast d’AIRAM, sont en ligne !
La passion de l’équipe d’AIRAM Montessori au complet trouve le moyen de s’exprimer et de venir, comme une oreillette amicale et inspirante, accompagner tout·e professionel·le de l’éducation et toute personne intéressée par l’éducation à travers un podcast en 9 épisodes de 10 à 20 minutes sur les principes clés de la pédagogie Montessori.
A travers ce podcast, découvrez la joyeuse équipe AIRAM : sa vision, les récits de ses expériences et, de l’humour, des confidences, des émotions !
Nous abordons les fondements de la pédagogie Montessori de manière simple et concrète :
Épisode 1 : Laure explore l’approche holistique de l’enfant de Maria Montessori.
Épisode 2 : Nina nous parle du concept de liberté et discipline dans une ambiance Montessori.
Épisode 3 : Laura s’attèle au concept d’autonomie.
Épisode 4 : Justine nous fait un exposé sur l’importance de l’ordre.
Épisode 5 : Lucie analyse la posture et le travail de l’adulte dans un contexte Montessori.
Épisode 6 : Jeanne nous parle des âges mélangés dans les écoles Montessori.
Épisode 7 : Céline montre les conséquences des récompenses extrinsèques sur la motivation.
Épisode 8 : Marine analyse les conséquences de la façon dont on parle des enfants.
Épisode 9 : Dans cet épisode sorti aujourd’hui, Bruno met en perspective l’approche Montessori et le principe d’entreprise libérée.
À retrouver sur toutes les plateformes.
Bonne écoute !